PROPOS INTRODUCTIFS
Les personnes victimes de violences sexuelles durant leur minorité sont souvent exposées à des conséquences psychologiques à l’âge adulte. Ces difficultés méconnues ou non signalées, même par les professionnels de santé, nécessitent un accompagnement spécifique. Elles attestent de la gravité de ce qui a été subi.
Un grand nombre de personnes ayant adressé une demande de reconnaissance et de réparation à l’inirr, présentent des souffrances post-traumatiques. Peu ont été comprises, correctement identifiées et ont pu bénéficier d’un accompagnement thérapeutique et médical adapté.
C’est la raison pour laquelle les référents de l’inirr bénéficient de formations continues sur le psychotraumatisme afin de renforcer leurs connaissances et de le prendre en compte dans la construction du chemin de réparation.
La démarche de l’inirr n’est pas un accompagnement thérapeutique, cependant il est important que les personnes qui en ressentent le besoin puissent être mises en lien avec des centres de soin et des professionnels de santé, formés au stress post-traumatique.
Ce dossier vous donnera quelques clés de compréhension des mécanismes du psychotraumatisme.
ASSOCIER VIOLENCES SEXUELLES ET TRAUMATISME PSYCHOLOGIQUE
Les enfants et adolescents sont des êtres en développement, lorsqu’ils sont exposés à des événements extrêmement stressants et cumulatifs comme les agressions intimes commises par des prêtres, cela peut mettre en péril leur construction et leur santé future. Plus l’exposition à la violence et à l’emprise est précoce et chronique, plus l’enfant met en place des mécanismes de survie.
Ces réactions de survie sont normales face à des situations totalement anormales, que la victime ne peut pas intégrer. Or, la mémoire du traumatisme se code dans le corps comme une « bombe à retardement », alors même que les souvenirs peuvent ne plus être disponibles (partiellement ou complètement par l’amnésie).
POURQUOI PARLER D’ÉTAT POST-TRAUMATIQUE ?
Lorsque l’inirr aborde les conséquences des violences dans la vie de la personne, bien des réactions sont partagées avec les référents : réflexes de lutte ou de fuite, perte de confiance en l’être humain, difficultés à réguler les émotions (peur, colère, honte), troubles du sommeil et de l’alimentation, réactions de fermeture et d’hyper-vigilance constante, problèmes de concentration, estime de soi altérée, inquiétudes dans les relations affectives et intimes, tentatives d’anesthésier la douleur émotionnelle par la prise de substances toxiques, attaques de panique face à des déclencheurs de stress rappelant les agresseurs ou l’Église, pensées négatives sur le monde, dépression, automutilations et dissociation.
Ces souffrances sont significatives de symptômes post-traumatiques. Un professionnel de la santé mentale (psychologue ou psychiatre) est habilité à diagnostiquer un état de stress post-traumatique selon des critères scientifiques. Les signes évoquant un état de stress post-traumatique sont internationalement reconnus : le diagnostic est une première étape. N’hésitez pas à en parler.
Parole de témoin
Dans mon parcours avec l’inirr, je n’étais plus seul. Plus j’approchais de la fin des entretiens avec mon référent, plus mon passé s’apaisait, mais plus l’après inirr me faisait peur. La peur d’être devant un vide, peur de me retrouver encore seul avec cette question : que va-t-il m’arriver maintenant ?
Au cours des entretiens, j’ai réalisé que j’avais étayé ma vie avec ou grâce à mes flashs, mes souvenirs, mes errances, mes troubles. Toute cette vie chaotique a forgé ma personnalité visible et invisible. J’ai pris conscience que jusqu’à présent les psychothérapeutes que j’ai rencontrés n’abordaient pas la cause du traumatisme juste les symptômes, même constat dans les articles que j’ai lus, or, aujourd’hui, je ressens un besoin de clarté par rapport à ce que j’ai vécu.
Oui, j’ai besoin de comprendre ce mécanisme de l’installation chez moi du traumatisme, comprendre comment en tant que victime on se construit, quelles empreintes celui-ci peut laisser et aussi les conséquences de la levée de mon amnésie traumatique.
En fait, j’ai besoin d’une compréhension intellectuelle. C’est une étape importante pour moi, avant de reprendre une thérapie dans une approche plus globale et non parcellaire de mes difficultés.
Je me dis que comprendre ce fonctionnement du psychotraumatisme me permettrait de détricoter là où c’est encore possible ce que je vis et ressens aujourd’hui, et d’aborder au mieux une réparation sans mettre en péril ma vie familiale, mon couple, mes enfants.
Parole de référente
Il est fréquent qu’au cours des entretiens, j’explique aux personnes accompagnées certaines notions de psychotraumatisme. En effet, beaucoup d’entre elles sont dans l’incompréhension vis-à-vis de leurs propres réactions.
Pourquoi ont-elles parfois des réactions émotionnelles intenses, disproportionnées, ou sans lien apparent avec la situation dans laquelle elles se trouvent ? À l’inverse, pourquoi certaines personnes sont-elles complètement coupées de leurs ressentis corporels, ou de leurs émotions ? Pourquoi, parfois, des fragments de souvenirs des agressions, des odeurs, des sensations physiques, surgissent-ils, comme si les faits s’étaient produits la veille ? À l’inverse, pourquoi ont-elles parfois occulté les souvenirs des faits pendant des décennies ?
Autant de questions auxquelles les connaissances modernes en psychologie et en neurosciences nous offrent des pistes de réponses. Ces clés de compréhension, bien qu’elles n’aient pas d’effet magique, peuvent apporter un certain soulagement aux personnes, en donnant une cohérence à des réactions qui, de prime abord, pourraient sembler n’en avoir aucune. Elles en saisissent les ressorts physiologiques et psychologiques, regagnent en pouvoir sur elles-mêmes. Cette prise de recul sur leurs fonctionnements aide ainsi les personnes à moins culpabiliser de leurs difficultés, et peut constituer un pas important vers une forme de réconciliation avec soi-même.
SURMONTER LES TRAUMATISMES ?
Le traumatisme affecte l’ensemble de l’organisme : corps, esprit et cerveau. Le corps continue à se défendre contre une menace qui appartient au passé. Surmonter un syndrome de stress post-traumatique, c’est rétablir l’équilibre de tout l’organisme en mettant fin à cette mobilisation chronique du stress. En effet, les hormones du stress inondent le corps, provoquant des maux physiques et immunitaires.
Les approches validées scientifiquement pour rétablir cet équilibre associent l’apaisement des sensations physiques et des émotions douloureuses, tout en favorisant l’engagement vers des relations humaines constructives.
En complément de thérapies post-traumatiques ciblées pour se détacher du passé (EMDR, TCC, neuro-feedback, thérapie sensori-motrice, soutien médicamenteux si nécessaire) ; la valeur d’approches complémentaires est grande : relaxation, chant, danse, arts martiaux, créativité, écriture, engagement dans une cause et altruisme, contact avec le vivant (nature et animaux). Beaucoup de personnes témoignent à l’inirr ainsi avoir trouvé des ressources pour augmenter leur sécurité psychologique et donner un sens à leur vie.
Ont contribué à cet article : Marie Derain de Vaucresson, Lorraine Angeneau, Damien Maes, Clémence Jacquet et Sarah Ouakrim
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