Un week end, pas comme les autres
Ce samedi, un peu avant 9 heures,
On franchit les portes de l’église saint Merry.
Comment décrire ce que je vois ?
C’est deja plein de gens..
Beaucoup portent une écharpe blanche,
D’autres une écharpe orange.
On m’offre un café…
Une écharpe….
D’un seul coup, l’émotion m’envahit.
C est trop émouvant tous ses gens.
Tous ces gens, cabossés comme je le suis…
Je ne peux retenir mes larmes,
Alors que je n’ai pas encore prononcé une seule parole…
Je m’éloigne un peu,
Laissant mon mari derrière moi..
Il doit sentir ma peine, ma souffrance,
Mais je ne suis pas encore prête à la partager…
Le moment est bien trop intense,
Pour le partager avec qui que ce soit.
Je déambule dans l’ église.
Je me réfugie derrière un deuxième café..
Je ne m‘ attendais pas à cet « effondrement »…
Je me pensais forte. Si forte depuis hier.
Car hier midi, nous avons rencontré Aude Pivin
La référence qui s’est occupée si bien
De moi. De mes tracas….
Après quelques précisions de l’équipe de l’ Inirr
On se dirige vers Notre dame.
Imaginez , 300 personnes.
Toutes sur le même radeau..
On passe la Seine…
Il fait beau.
Le décor est magnifique…
Dans ma tête, les notes de Goldman tournent en boucle.
« Tu es de ma famille.
De mon ordre, de mon sang »..
Ici, je ne me sens plus seule.
Nous arrivons à destination.
Sur le parvis de Notre Dame, des milliers de gens
Patientent, parmi lesquels
Une immense colonne d’écharpes blanches,
d’écharpes oranges..
On se sent bien.
Je me sens bien…
Je me sens un peu chez moi..
Notre dame est magnifique.
Un espace nous est dédié.
Au face du choeur…
Le moment du recueillement est arrivé…
Je suis assise près de l’allée..
je ne veux pas être enfermée…
Je regarde partout… tout me semble magnifique.
Une jeune femme, compagnon peintre,
nous parle de son travail de restauration.
De ses heures passées ici qui accompagnent
nos années de galère,
Elle témoigne du chemin parcouru à tout rebâtir.
À reconstruire..
Serions nous des Compagnons de cathédrale
Ou des compagnons d’ infortune ?
Les témoignages s’accompagnent parfois de musique.
Une harpe, un accordéon, une chorale…
En fait, c est plus la musique qui ravive les larmes
que les mots des poèmes lus.
Parfois, toute la cathédrale se fait silence.
C est beau.
J’aimerais que ca ne se termine
Jamais.
Guillaume, un autre cabossé prend la parole…
Tout en l’écoutant, je pense à nos filles.
Je ressens le besoin tres vif,,
de leur parler.
De leur dire ma vérité.
De partager mon « secret »
Je dois leur dire que ce voyage à
Paris n’est pas un hasard,
Pas un week end de promenade..
Non non,
C’est un vrai rendez vous avec la vie.
L’envie est si forte, que je leur donne
Rendez vous, pour demain soir…
On verra bien si elles viennent ou pas.
J’ai encore et toujours les yeux embués…
Je ne m’attendais pas à tout cela
À toutes ses émotions.
Mais pas du tout…
Je regarde partout autour de moi.
Encore et encore.
Je me dis que grâce à leur seule force , ou motivation »,
des gens du monde entier ont aidé à rebâtir,
À remettre en route
cette cathédrale. Ce bout de vitrail.
Cette peinture. Cette ogive.
Ce banc sur lequel je suis assis.
Je me surprends à en tâter le bois..
Toutes ces petites mains qui ont su s’unir
et donner le meilleur de leur savoir faire
Pour refaire vivre une si belle oeuvre.
Ça me réjouit.
Ça me donne foi dans l’être humain.
La harpe coule ses sons de cascade
Tout au long de la nef.
Ma cadette a déjà répondu à mon message.
Elle est déjà curieuse.
Elle s’inquiète pour moi.
Je la rassure : je vais bien.
Je ne suis pas seule.
Et puis, il y a ce petit bout de chemin
spirituel avec mon mari.
Là, tout de suite, il est avec moi.
On est « nous »…
Je crois que ce « voyage » va lui permettre
d’avancer un peu plus. De retrouver sa place.
De mettre des mots sur ce que j’ai vécu,
Lui non plus ne se sent plus seul.
Notre couple retrouve son sens premier.
C’était non envisageable, hier encore.
La musique continue de me bercer.
Tout me semble facile.
Je m’apaise.
Je le sens.
Je le sais.
Guillaume vient de témoigner
Ce sera le seul de nous à prendre la parole
Et quelle parole….
il est très applaudi.
Il a raconté le « petit Guillaume »,
Cassé, l’ado qui voulait se jeter en haut d’une tour,
Isolée dans la forêt.
Il a décrit l’étudiant, l’adulte
Qui se faisait harceler encore et encore,
Parce qu’il ne pouvait affronter celui qui décelait
La faille en lui.
Il a dit l’homme qui s’est construit un coffre fort
Autour de lui,
Pour que personne ne devine….
Guillaume ne savait pas combien
Son texte allait résonner en moi…
Je le remercie du fond du chœur
D’avoir osé parler devant nous.
Si simplement…
De victime, il est devenu témoin..
je suis impressionnée.
Beaucoup.
Après le temps de recueillement,
On a visité , chacun à notre rythme
Notre Dame..
Avant de repartir vers l’église Saint Merry,
Où nous attendait
Le buffet de la restauration…
Où les langues se sont déliées..
Pas pour raconter les bosses
Diverses et variées,
Mais pour se connaître,
Pour partager idées et ressentis.
Serge,
Est venu nous trouver..
Il a eu des mots très délicats :
Il nous trouvait « beaux »
Alors qu’on essayait simplement de reprendre vie.
De reconstruire nos vies.
Ce week end a eté riche en émotions,
En rencontres.
J’ai aussi pu mettre une image
Sur Jean François Badin qui m’avait lu
La lettre de reconnaissance.
J’ai pu discuter avec Marie Derain de Vaucresson
Et avec plein d’autres gens.
Jamais je n’aurais pu m’imaginer tout le bien
Que ces rencontres me procureraient.
Ça a été un pas de géant dans ma propre reconstruction..
C’est cela que je voulais dire ici…
Et remercier tous ceux qui ont aidé
À l’organisation de cette journée
Unique et si vivante.


