A l’heure où le scandale éclate sur la vie de l’ Abbé Pierre et sur tous les débats qu’il relance sur la pédophilie dans l’Église, il me semble qu’il serait bon pour tous de se poser de bonnes questions quant à l’utilité et la finalité de notre langage face à la vérité dévoilée.
Dans notre monde paradoxal où se côtoient vérité pure, fake-news et mensonges en tout genre, ne nous serait-il pas utile, le plus souvent possible, d’en revenir au « bons sens » et de filtrer nos idées avant d’utiliser notre parole qui nous le savons est à l’image de celle de Dieu.
A double tranchants, elle peut tout aussi bien bénir que maudire, faire vivre ou tuer, libérer ou enfermer à jamais. La dure réalité de tant de suicides d’enfants harcelés, de crimes féminicides, racistes, sexuels ou gratuits devraient nous y inciter, non ?
Dans mon cheminement de victime de la pédophilie d’un prêtre, devenu évêque, le poids de la parole m’a toujours poursuivi et, avec le recul, à la relecture de ma vie, je puis affirmer que la parole est le passe-partout de tous les phénomènes qui torturent nos existences.
Quand on la tue, on la verrouille, on se tait et elle devient déni et demeure la meilleure alliée du mal, du mensonge et de tous les doutes et culpabilités qu’elle impose aux victimes comme aux criminels d’ autre part sans autre distinguo. Ce sont les non-dits qui nourrissent nos dénis en bien, comme en mal.
Nous constatons alors tôt ou tard, le plus souvent tardivement après des décennies qu’il nous est préférable de parler pour trouver la paix tant recherchée. C’est là que la parole prend toute sa place. Il y a tellement urgence qu’on y prête guère attention mais nous allons libérer notre parole pour crier la vérité. Mais attention, gare, filtrons bien la forme employée: allons-nous parler avec notre intellect, notre raison ou avec seulement les ressentis de tant d’années gâchées, foutues, tout perdus que nous sommes dans les colères, révoltes, haines et violences…
Je me suis toujours remémoré cet adage : Attention Pierre, ton « ressenti » ment.
Pour mon cas la parole libérée a été dans un premier temps une parole libératrice, reçue c’est un comble par un autre prêtre, parole de connaissance sur mon vécu qu’il me dévoila en public, comme une bombe de vérité qui bouleversera et transformera ma vie jusqu’au pardon, autrement dit un miracle, impensable pendant 40ans de ma vie.
Pour ce qui est de la parole libérée elle peut et doit être entendue et j’ai admiré et contacté nos amis lyonnais qui s’identifièrent sous ce vocable « La Parole Libérée » au lendemain de l’affaire du père Preynat mais là encore je me sentais à l’étroit et bien mal à l’aise. Car comme victime, le danger permanent est de le rester, inconsciemment bloqué dans le ressentiment de toutes les pollutions de tristesse, de révoltes et de haines qui ne nous lâcheront pas tant que nous ne goutons pas volontairement aux paroles libérantes.
Je nomme paroles libérantes celles que nous allons recevoir des équipes de l’inirr, ou de tout autre organisme, ce sont des paroles qui vous restructurent et vous recréent car ce sont des paroles reçues et données, échangées et comprises loin des jugements et de toute morale, mais qui vous percutent au point de susciter en vous le témoignage non pas vrai mais véritable, porteur du message libérateur de la reconnaissance et de la réparation, partielle peut-être mais vraie, indiscutable, inopposable.
La parole libérante est probablement prophétique elle permet aux victimes de l’Eglise, pour le peu qu’elles soient justes et sincères de pouvoir crier au monde, à la société, à la république même que le véritable scandale de nos jours consiste à persister de dénoncer cette institution religieuse comme un bouc émissaire, alors que depuis le rapport de la CIASE elle a déjà tant réparer en 5ans… Qu’ont fait les ministères, les autres mouvements civils ou religieux pendant ce temps-là, rien. A chacun donc de balayer devant sa porte, non ?
A bon entendeurs, salut. Nos témoignages peuvent servir à re-parée l’Eglise dont l’image est si salie, galvaudée par tant d’ignorance entretenue et à ce niveau-là la presse a aussi sa responsabilité engagée..